Reconstituer, est un dosage
d'archéologie expérimentale et d'étude de rôle. J'avais espéré trouver quelque
discours utile auprès d'un auteur classique mais j'ai rapidement déchanté après avoir pensé que Boccace pouvait faire mon affaire. J'étais tombé sur le Décaméron
dont les traductions françaises remontent au début du XVe siècle. La première
fut achevée en 1414 par Laurent de Premierfait après trois ans de travail. Ce dernier
qui ne connaissait pas l'italien avait dû recourir à un frère cordelier pour le
faire traduire en latin auquel il était plus habitué. Quelques rares et très
coûteux manuscrits lui succédèrent.
BNF Fr.230 fol 86v
BNF Fr.230 fol 86v
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1909_num_53_5_72481
BNF Fr.129 maître de l'échevinage
BNF Fr.129 maître de l'échevinage
Rappelons seulement que l'œuvre originale fut écrite entre 1349 et 1351 et que le sujet y dépeint sept nobles demoiselles et trois jeunes hommes courtois qui avaient choisi de fuir la peste de 1348 en se réfugiant dans les collines de Fiesole. Ils avaient établi comme règle d'occuper les heures les plus chaudes de la journée par une joute narrative s'étalant sur 10 jours.
Un plan qui a servi de modèle à d'autres œuvres comme les cent nouvelles
nouvelles présentées par des personnages historiques membres de la cour de Bourgogne ou plus récemment, l'ouvrage
populaire de 2010, inspiré de dix contemporains rassemblés par Jean Sauvy,
grâce à l'intervention d'Internet.
Dans sa préface du Décaméron, traduit une
nouvelle fois à la fin du 19e siècle par Francisque Reynard, l'auteur déclarait
encore que quelqu’un qui les avait observés de près avait dit, avec autant
d’à-propos hélas (sic) que ce qui distinguait les Français des autres peuples
était leur ignorance profonde en géographie et qu'il aurait pu ajouter leur
ignorance à peu près complète des littératures étrangères. Les œuvres des
écrivains étrangers étant quasi inconnues en France. On y imaginait pourtant
que le Décaméron contenait des contes plus licencieux les uns que les autres.
Il est vrai que Boccace s'en était excusé dans sa conclusion : "S’il y a
dans mes écrits quelques endroits qui puissent faire rougir la pudeur, quelques
expressions gaies, doit-on accorder moins de licence à la plume du poète qu’au
pinceau du peintre ?"
Je ne doute pas
qu'aujourd'hui les lecteurs, ainsi avertis, puissent s'être régalés de ces cent
nouvelles qui sont aussi à l’origine d’une riche iconographie comme le démontre
l'éditrice Diane de Selliers dans une belle sélection de la fin du moyen âge
sous référence ISBN 978-2-903656-57.
Boccace pouvait interagir
en s'exprimant en mots et en images puisqu'il lui arriva d'illustrer certains
manuscrits en y intégrant des dessins à la plume rehaussés d'aquarelle. Son
œuvre littéraire fut aussi peinte par de nombreux artistes médiévaux sur toutes
sortes de supports comme murs, coffres de mariages ou plateaux d'accouchées
pour ne prendre que quelques exemples. Mais comment considérait-il la
profession de peintre au travers du texte puisque trois jours sur dix,
ceux-ci y sont évoqués ? Trois histoires
sur les dix quotidiennes font l'objet des journées 6 et 8 tandis qu'une seule
sert de sujet le 9ème jour. Une telle proportion au sein de ces contes qui se
veulent galants m'a quelque peu surpris.
Je souhaitais y trouver
quelque chose de flatteur mais malgré tout le respect que la reine du jour
vouait à Giotto, premier peintre à entrer en scène, c'est sa laideur physique
qui requière toute l'attention de la nouvelle numéro V.
Sots, espiègles, caricaturistes,
laids, il n'est, à l'exception citée, pas question de talent. Même Dieu y
apparaît comme apprenti peintre !
Par tant de parodies, Boccace
ne se distingue guère de Reynard en matière de causticité à l'égard de ses
compatriotes. Mais tout cela n'était-il pas seulement destiné à servir aux
dames d'exemples pour distinguer ce qu’il fallait éviter ou imiter ?
Le seul exemple que je retienne est l'humilité de Gioto qui ne faisait qu’augmenter l’éclat de ses talents.
J'ai dressé, ci-après, une liste abrégée des jours, reine, sujet et nouvelle :
6ème journée (Reine : Elissa, éviter dommage, danger
ou honte par l'usage d'une prompte réplique)
NOUVELLE V
RIEN DE PLUS TROMPEUR QUE LA MINE
(Laideur physique des Baronchi et de Giotto)
NOUVELLE V
RIEN DE PLUS TROMPEUR QUE LA MINE
(Laideur physique des Baronchi et de Giotto)
NOUVELLE VI
LA GAGEURE
(Dieu en apprenti peintre lorsqu’il créa les Baronchi)
LA GAGEURE
(Dieu en apprenti peintre lorsqu’il créa les Baronchi)
NOUVELLE X
LE FRÈRE QUÊTEUR OU LE CHARLATANISME DES MOINES
(Lipotopo le caricaturiste)
LE FRÈRE QUÊTEUR OU LE CHARLATANISME DES MOINES
(Lipotopo le caricaturiste)
8ème journée (Reine : Lauretta, tours que l’on
se joue)
NOUVELLE III
L’ESPRIT CRÉDULE (Calandrin, joué par 2 compères,
croit que sa femme est responsable de la perte de son invisibilité)
NOUVELLE III
L’ESPRIT CRÉDULE (Calandrin, joué par 2 compères,
croit que sa femme est responsable de la perte de son invisibilité)
NOUVELLE VI
LE SORTILÉGE OU LE POURCEAU DE CALANDRIN E
(Une nouvelle fois victime de Lebrun et Bulfamaque)
LE SORTILÉGE OU LE POURCEAU DE CALANDRIN E
(Une nouvelle fois victime de Lebrun et Bulfamaque)
NOUVELLE IX
LE MÉDECIN JOUÉ
(Les deux peintres se jouent du docteur Simon de Villa
LE MÉDECIN JOUÉ
(Les deux peintres se jouent du docteur Simon de Villa
9ème
journée (Reine :
Emilia parler de ce qui lui est le plus agréable)
NOUVELLE V
LE SOT AMOUREUX DUPE
(Calandrin, jouet de ses compagnons, de Philippe et de Colette est molesté par sa femme)..
NOUVELLE V
LE SOT AMOUREUX DUPE
(Calandrin, jouet de ses compagnons, de Philippe et de Colette est molesté par sa femme)..
L'on peut lire le Décaméron libre de droits à l'url suivante
: