samedi 22 novembre 2014

Les Outils du Copiste

Cet article intéressera le reconstituteur médiéval qui tient une échoppe de calligraphe. C'est le second article sur le sujet que je publie ici. >>http://reconstituteurs.blogspot.fr/2014/06/les-instruments-du-scribe.html. Pour celui-ci, il s'agit de passer en revue les sources écrites.

Les outils du scribe nous sont connus par les sources écrites et les sources iconographi-ques. Les trois textes les plus souvent cités sont Guigues Ier, prieur de Chartreuse et les Coutumes des Chartreux écrites dans le premier tiers du XIIe siècle, Alexandre Neckam (1157-1217) et son De Utensilium nominibus écrit dans le dernier quart du XIIe siècle et Jean de Garlande (1190-ap.1252) et son Dictionarius écrit vers 1200. Quant aux images, on trouve à foison, des représentations d’évangélistes et d’autres saints à leurs travaux d’écriture mais aussi d’autres auteurs. De plus, deux traités d’écriture de la Renaissance contiennent deux planches des outils d’écriture. N’oublions pas de citer le Vocabulaire Codicologique : Répertoire méthodique des termes français relatifs aux manuscrits de Denis Muzerelle, paléographe et mis en ligne en 2002-2003 >>http://vocabulaire.irht.cnrs.fr.

  • Les Sources écrites médiévales



Les Coutumes de Guigues, rédigées en 1127, précisent que pour les chartreux, « chaque moine a dans sa cellule un pupitre, des plumes, de la craie, deux pierres ponces, deux encriers, un canif, deux rasoirs pour racler les parchemins, un poinçon, une règle, un style »[1]. Neckam dit en 1180-1187, que l’écrivain a des rasoirs, « rasorium, novaculam » pour enlever les saletés du parchemin, de la pierre ponce et une plane (« planulam ») pour purger et à égaliser la surface du parchemin, un plomb (une mine de plomb ou une pointe sèche) sert à régler, linier les pages sur les deux côtés des feuillets. On recouvre les tablettes (où l’on écrit) d’un morceau d’étoffe, d’un feutre. Le scribe utilise un canivet pour tailler les plumes. Il a aussi une vraie dent de sanglier, qui sert à polir le parchemin lorsqu’on a gratté une erreur. Pour Garlande, les instruments nécessaires au clerc sont : le livre, le pupitre, la lampe de nuit avec suif, la lanterne sourde, le cornet rempli d’encre, la plume, le plomb et la règle et le miroir, la tablette de bois, la cathèdre, les ais de bois, la craie avec un instrument en fer avec lequel les parcheminiers préparent le parchemin, la pierre ponce.

  • Les Traités de la Renaissance


Légèrement postérieurs aux textes précédents, deux traités d’écriture sont cependant intéressants par leurs images d’outils de scribe. Il s’agit de La vera arte delo excellente scrivere de diverse varie sorti de litere..., de Giovannantonio Tagliente écrit en 1530 et du Libro nel qual s'insegna a scrivere ogni sorte lettera..., de Giovambattista Palatino écrit en 1540. Une très belle étude des instruments de ces deux traités a été menée par J.-P. Gumbert dans la Gazette du livre médiévale en 1998. Une liste a été dressée : la plume, le canif, la règle, le plomb (le stylet de plomb ou le fil à plomb –des palets pour tenir les feuilles de parchemins-), l’équerre, le « vernice » (des coquilles d’œufs pulvérisées et de l’encens pour préparer la surface du papier) contenu comme le pense Gumbert, dans les pyxides dessinées sur l’étagère par Tagliente et Palatino et étalé avec un pied de lièvre, les ciseaux, l’encre, l’encrier muni d’un couvercle et dans lequel on peut mettre un tissu de soie ou du « scotonne » (de la gaze ou du cuir ?), un dé noir pour protéger le pouce lorsqu’on taille les plumes d’oie, une lampe avec son abat-jour, un instrument pour tirer une ou deux lignes de réglure ( « rigatoio a uno e doe righe »), des pincettes : « molette », pour fixer le guide-lettres (la « falsa riga ») visible par transparence sous la feuille, une ficelle, la cire à cacheter, un petit miroir dont « on dispose pour conserver la vue », un stylet (qui servait « pour maintenir le papier en avant de la plume lorsqu’on écrit avec soin », à la Renaissance, ce n’est plus le canivet qui avait cette fonction !), un sablier, un sceau de bureau, une ampoule d’encre. L’étude se termine par la mention d’un autre traité, un manuel de notariat de 1545 : Instruction wie gegen trefflichen Personen... où il y a une image de peigne à régler et de boîte à sable.

Voici donc des listes d'instruments du scribe que l'on pourra avoir à montrer au public des fêtes médiévales et Renaissance.



[1] Formules de copiste. Les colophons des manuscrits datés, catalogue d’exposition de la Bibliothèque Albert Ier, Bruxelles, 1991, p.13